The Light Hours
Commissaires : Laurent Fiévet & Silvia Guerra
Commissaires : Laurent Fiévet & Silvia Guerra
Le projet The Light Hours vise à faire entrer en résonance un site d’exception, la Villa Savoye, construite par Le Corbusier à Poissy (Yvelines) entre 1928 et 1931 et une vaste installation in situ, de son et de lumière, conçue par l’artiste britannique Haroon Mirza (né en 1977) dont ce sera l’une des premières interventions en France.
The Light Hours constitue le deuxième volet d’un cycle d’expositions autour des oeuvres phares de l’architecture moderniste dans lesquelles un artiste est invité à mettre en perspective l’un des manifestes architecturaux du XXe siècle. Le projet a débuté en 2011 avec l’exposition The World Trapped in it Self (mirrors for windows), intervention de Stefan Brüggemann au Pavillon Mies van der Rohe de Barcelone réalisée en collaboration avec la Fondation Mies van der Rohe et la galerie Yvon Lambert (Paris).
The Light Hours se veut tout à la fois une rencontre et un dialogue entre architecture moderne et art contemporain mais également entre expressions de deux moments de l’Histoire : première moitié du 20ème siècle et débuts du 21ème. De fait, ce projet in situ met en relation les fondamentaux de la Villa Savoye – perfection formelle et fonctionnelle – avec la réflexion et les recherches d’un artiste contemporain.
Inviter un artiste, qui travaille le son et la lumière, à venir interagir avec la Villa Savoye est aussi une façon de restituer la fonction première de celle-ci : celle de « Machine à habiter » (Le Corbusier). La Villa Savoye a en effet cessé d’être un lieu habité pour devenir un monument historique visité chaque année par des dizaines de milliers de personnes passionnées ou curieuses d’architecture.
En prenant appui sur l’histoire et les évolutions fonctionnelles de la Villa, Haroon Mirza mettra en place un dispositif de panneaux solaires pour alimenter des lumières LED qui structureront son installation. Ce dispositif lui permettra d’organiser un vaste réseau de pulsations sonores qui transformeront en espace audible et sonore ce que le Corbusier qualifiait « d’espace indicible ». La simplicité formelle de l’architecture de la Villa Savoye permettant un quasi effacement de celle-ci au profit du libre déploiement de l’intervention pensée par Haroon Mirza.
Haroon Mirza est un artiste britannique né à Londres, en 1977. Associant le ready-made et des matériaux évoluant avec le temps, il crée des compositions sonores et lumineuses qui sont souvent « site specific ». Dans son travail, Mirza brouille les distinctions entre bruit, son et musique. De ce fait, il altère la fonction d’objets du quotidien ainsi que la symbolique socioculturelle qui peut leur être associée. Un an après avoir remporté le Lion d’Argent de la 54ème Biennale de Venise en 2011, Haroon Mirza a présenté un solo show (« Preoccupied Waveforms ») au Studio 231 du New Museum de New York. En 2013, il a lancé le site internet o-o-o-o.co.uk qui invite artistes et musiciens à télécharger des échantillons audio de son travail, à les remixer et à les télécharger de nouveau sur son site via Sound Cloud.
Architectures modernistes et art contemporain :
une initiative de Lab’Bel, Laboratoire artistique du groupe Bel
Pour cette seconde intervention visant à établir une relation entre lieux emblématiques de l’architecture moderniste et art contemporain, Lab’Bel est très heureux de s’associer à la Villa Savoye et au Centre des monuments nationaux qui célèbre en 2014 son centenaire, ainsi qu’à la Lisson Gallery de Londres qui représente l’artiste.
Lab’Bel, Laboratoire artistique du Groupe Bel, a été créé au printemps 2010 dans le but de soutenir l’art contemporain en conformité avec les valeurs de partage, d’accessibilité et de plaisir soutenues par le groupe agroalimentaire dont il émane. Conformément à cette philosophie, il constitue depuis sa création une collection d’oeuvres créées à partir des années 2000 et met en place chaque année une série d’expositions et d’événements artistiques aussi bien en France qu’à l’étranger. Il est dirigé par Laurent Fiévet et Sivlia Guerra, co-commissaires de The Light Hours.
Silvia Guerra : Si nous prenons le mouvement Fluxus comme un exemple du partage des champs artistiques, je trouve qu’il existe une certaine filiation entre le travail de Nam June Paik et le vôtre, en particulier dans sa recherche d’une exposition du son tel qu’il le fit à la Galerie Parnass en 1960. Il voulait créer une installation à la frontière de l’architecture et de la musique dans laquelle « la musique devenait plus silencieuse et la pièce plus mobile ». Ce renversement de perspective de l’espace, celui-ci devenant le partenaire indispensable du son, est-il aussi dans votre recherche concernant le projet de la Villa Savoye ?
Haroon Mirza : Tout à fait. L’espace dans lequel un son est présenté est toujours une donnée fondamentale pour la perception de ce son. L’espace acoustique est très différent de l’espace visuel, c’est une sphère dépourvue de matière tandis que les espaces que nous habitons sont généralement solides et composés de surfaces planes, ce qui signifie que le son est plus malléable qu’aucun autre matériau. De plus en plus, j’ai tendance à intégrer l’architecture comme n’importe quel autre ready-made ou matériau existant dans mon travail. Elle fait temporairement partie intégrante de celui-ci, ce qui est légèrement différent de l’idée de site-specific. Le travail que je développe pour la Villa Savoye est en quelque sorte les deux à la fois. Mais je suppose que l’espace et le son produits par l’œuvre s’interpénètrent inextricablement l’un l’autre.
SG : Vous avez effectué votre première visite à la Villa Savoye les yeux bandés. Pourquoi ? Comment se construit cette expérience ? Que permet d’entendre le fait de se priver des autres sens, de ne pas voir, ne pas toucher, ni même goûter ? Les sensations tactiles deviennent-elles acoustiques ?
HM : Il y a deux raisons principales à cela, l’une est artistique et l’autre politique. La première est une tentative d’appréhender l’espace acoustiquement plutôt que visuellement. Je veux limiter l’information sensorielle que je reçois de l’espace pour que les autres sens (moins dominants) s’en trouvent intensifiés et reçoivent plus d’information. Ainsi, l’expérience de l’espace change-t-elle et il m’est possible de travailler sur une base entièrement sonore plutôt que visuelle. Ce type de pistes nous mène aux intentions politiques. La culture contemporaine exige que nous regardions. L’obtention du capital culturel est fondée de façon prépondérante sur le fait de voir les choses. Même « voir » la musique lors d’un événement en direct a plus de valeur que de l’entendre. On va voir un groupe de musique et non l’écouter indépendamment du fait que la musique peut avoir été créée, reproduite et distribuée numériquement. C’est la même chose avec des monuments et l’architecture, et bien sûr la maison de Le Corbusier est une sorte d’extrême dans ce type de détournement. Sans l’avoir jamais visitée, j’étais déjà familier avec elle. Je l’ai vue dans les livres, sur l’internet et j’en ai récemment reçu les plans. Maintenant que j’ai expérimenté la maison les yeux bandés, je peux développer une relation différente à celle-ci et aussi questionner la valeur du capitalisme culturel. L’idée est que je ne verrai jamais la maison de mes propres yeux mais que j’y ai installé et présenté un travail. Je me demande également comment ce processus va changer la perception de l’œuvre elle-même et comment les visiteurs vont interagir avec elle.
SG : Quelle relation à la lumière naturelle entretiendra l’installation –puisque celle-ci est un élément architectural de La Villa Savoye ?
HM : La façon dont la lumière pénètre la maison et l’illumine présente un moyen intéressant de travailler avec la Villa Savoye. Comme la lumière est l’un des aspects clés de la conception de la maison –et est même à l’origine de son ancienne dénomination, « Les heures claires »–, il m’est apparu nécessaire de l’aborder dans mon travail. La mise en œuvre du projet a d’une certaine façon nié cet aspect puisque j’étais dans l’incapacité de sentir la lumière, il était donc logique de faire appel à des matériaux qui puissent me fournir des informations sur la lumière. En conséquence, je vais, pour la première fois, me servir de panneaux solaires pour alimenter mon travail. C’est dire que je ne fais pas seulement de la lumière une expérience que je convertis en son, mais je propose que la lumière de la maison détermine la fonctionnalité de l’œuvre.
Site internet du CMN : www.monuments-nationaux.fr
Site internet de La Villa Savoye : www.villa-savoye.monuments-nationaux.fr